Oiseaux de la Heid des Gattes

Les lignes qui suivent ne constituent pas un relevé exhaustif des espèces d’oiseaux nichant dans la réserve ou ses abords, mais une évocation de quelques-unes d’entre elles, plus ou moins remarquables.

Les falaises :

Elles accueillent les deux oiseaux les plus emblématiques du site : le grand-duc d’Europe et le faucon pèlerin. Le premier s’y reproduit depuis plus de vingt ans, arrivé là probablement à la suite d’un programme de réintroduction de l’espèce dans une région proche d’Allemagne.

Chez les oiseaux de nos régions, c’est le prédateur absolu, toutes les autres espèces pouvant être capturées, ainsi qu’un certain nombre de mammifères et même des poissons.

Entendre son chant grave à la fin de l’hiver, amplifié par la résonance des parois, ne peut laisser indifférent. L’envol des jeunes, au début de l’été, permet parfois de belles observations en plein jour.

Grand-duc d'Europe - Bubo bubo
Faucon pèlerin - Falco peregrinus
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Le faucon pèlerin, qui avait aussi disparu de nos régions dans les années 1970, est revenu sur le site en 1996, sans doute en provenance de populations vosgiennes en expansion, et ne l’a plus quitté depuis. Mais sa vie est moins facile que celle du grand-duc : malgré des tentatives de reproduction régulières, aucune nichée à l’envol n’a pu être observée à coup sûr jusqu’à présent. Seules deux nichées déposées sur la tour Belgacom, proche de la carrière, ont été signalées, mais sans qu’on nous ait transmis leur issue. Plusieurs hypothèses peuvent être émises pour expliquer ces échecs répétés, la présence du grand-duc en étant une parmi d’autres, sans doute la plus vraisemblable. Il est cependant étonnant de constater que malgré cela la présence du pèlerin sur le site est quasi permanente.

Cet oiseau se porte plutôt bien en Belgique, mais il niche surtout sur des édifices artificiels, avec ou sans nichoir. Les nidifications en site naturel ou semi-naturel sont moins répandues (moins de 10 couples, ce qui donne d’autant plus d’importance à celui de la réserve).

Sur la falaise niche aussi certaines années un cousin du pèlerin, le faucon crécerelle qui chasse essentiellement les petits rongeurs dans les zones ouvertes, constituées de prés et champs dans ce secteur.

Enfin depuis quelques années la présence du grand corbeau est régulière dans la réserve, le plus souvent en vol le long de la falaise, et plus rarement posé (une observation dans la carrière du Goiveux). Mais comme pour le pèlerin, sa nidification en falaise sera impossible à cause du grand-duc. Cependant les bois ne manquent pas dans la réserve, et peut-être s’installera-t-il sur un arbre.

Dans la carrière nichent encore les choucas des tours, de dix à vingt couples selon les années. Ils occupent les nombreuses cavités dans la roche, et leurs cris et acrobaties aériennes égayent souvent le site.

Sur les blocs de rocher dans le fond de la carrière, on peut observer le rougequeue noir qui retrouve là, à peu de choses près, son milieu d’origine.

Faucon crécerelle - Falco tinnunculus
Rougequeue noir - Phoenicurus ochruros
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La rivière :

Le pied de la réserve est baigné par l’Amblève, qui procure en toute saison de belles observations aux amateurs d’oiseaux.

Le martin-pêcheur y niche régulièrement, et c’est toujours un régal de voir passer cette flèche bleue ou d’avoir la chance de le surprendre à l’affût, voire capturant un petit vairon ou un autre poisson de taille comparable. Il a besoin pour nicher d’une berge verticale en matériau meuble (terre ou sable) afin de pouvoir y creuser son terrier, un conduit de 0,5 à 1 mètre de longueur, au bout duquel se trouve la chambre de ponte où seront déposés 7 œufs (en moyenne). Les berges de nos rivières étant le plus souvent maçonnées ou empierrées, c’est l’absence de sites adéquats pour nicher qui limite les populations de martins-pêcheurs, les ressources en poissons permettant d’en accueillir beaucoup plus.

Cet oiseau élève en général deux nichées par an, voire trois dans les bonnes années. Comme la période d’élevage est longue, il arrive régulièrement que la femelle creuse un nouveau nid ou ponde dans un ancien dès que ses jeunes ne doivent plus être couverts, le mâle se chargeant seul de les nourrir jusqu’à l’envol et quelques jours au-delà.

Trois fois sept jeunes par an, cela peut paraître énorme, mais la mortalité au cours des premiers mois et de l’hiver qui suit est très importante, ce qui maintient les populations à un niveau relativement constant, avec toutefois de fortes fluctuations annuelles.

Martin-pêcheur d'Europe - Alcedo atthis - René Dumoulin
Martin-pêcheur d'Europe - Alcedo atthis

Un autre oiseau, un peu moins connu et coloré, est vraiment typique des rivières à courant vif sur fond rocheux : le cincle plongeur, encore appelé merle d’eau. Il capture ses proies, des insectes et leurs larves, des crustacés voire de très petits alevins, en marchant au fond de l’eau. Il se sert en général de ses ailes pour atteindre le fond puis s’y maintient grâce à la pression du courant, plus ou moins penché vers l’avant selon sa force. Après une capture ou lorsqu’il doit respirer, après 4 à 7 secondes, il se laisse remonter à la surface comme un bouchon grâce à l’air retenu entre les plumes et la peau. Comme le martin-pêcheur il vole très vite, le plus souvent au ras de l’eau. Et comme lui sa courte queue ne peut lui servir de gouvernail, il doit donc virer sur l’aile.

Il construit un nid volumineux en forme de boule presque fermée, le plus souvent sous un pont et en tout cas au-dessus de l’eau, car les jeunes le quittent avant de savoir voler mais en sachant déjà nager. Il élève deux nichées par an, la première en mars le plus souvent (5 œufs par ponte).

Un troisième oiseau est aussi inféodé aux cours d’eau bien oxygénés : la bergeronnette des ruisseaux, bien répandue sur l’Amblève et au pied de la réserve. Cet oiseau est aussi un régal pour les yeux avec ses lignes sveltes, sa longue queue et le jaune des parties inférieures. Moins dépendant de l’eau que les deux précédents pour nicher, elle s’installe souvent sur des bâtiments en retrait, mais passe le plus clair de son temps au bord de la rivière. Deux à trois pontes de 5 œufs par an, dès fin mars ou début avril. Ces dernières années la tendance à l’hivernage sur place de cette espèce se précise.

Cincle plongeur - Cinclus cinclus
Bergeronnette des ruisseaux - Motacilla cinerea
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Difficile de parler de l’Amblève en négligeant hirondelles et martinets, qui nichent en bonnes densités à proximité et chassent régulièrement au-dessus, et même au ras de l’eau par temps dépressionnaire ou tôt le matin. Martinet noir, hirondelles de fenêtre et rustiques et, depuis quelques années, hirondelle de rivage forment le bataillon de ces maîtres des airs. Cette dernière est normalement, comme le martin-pêcheur, dépendante des berges de terre meuble pour y creuser son terrier. Mais depuis quelques années certains exemplaires ont appris à nicher dans les trous qu’ils trouvent en berges maçonnées, ce qui constitue un espoir de maintien de l’espèce dans nos régions.

À Remouchamps 5 à 10 couples nichaient sous ou à proximité du pont, mais cette colonie a malheureusement disparu.

Une observation exceptionnelle pour clôturer la série des hirondelles : du 18 au 24 avril 1989 une hirondelle de rochers a séjourné sur l’Amblève et dans la carrière de la Falize (une première belge). Il s’agissait d’un oiseau de retour de migration en dépassement d’aire de reproduction, mais ce n’est sans doute pas un hasard s’il s’est arrêté là (1).

Ces nombres intéressants d’hirondelles et martinets attirent leur principal prédateur, qui niche à proximité : le faucon hobereau qu’on peut observer à la belle saison. À première vue il ressemble fort au faucon pèlerin, bien que plus petit, les tailles étant difficiles à estimer sur fond de ciel.

Pour le distinguer, il faut se rappeler qu’il ressemble en vol à un gros martinet avec ses ailes effilées et arquées, le pèlerin ayant un air plus massif, et une observation dans de bonnes conditions révèlera le roux de ses culottes, chez l’adulte du moins.

Au pied de la réserve, non loin de l’eau, on pourra observer le gobemouche gris, un oiseau qui a tendance à se raréfier ces dernières années. Comme son nom l’indique, il chasse essentiellement des insectes en vol, au départ d’un perchoir sur lequel il retourne souvent après la capture.

Enfin, encore au pied de la réserve, une autre observation exceptionnelle : un bruant fou (femelle adulte), du 2 au 21 avril 1997. Un oiseau en dépassement d’aire qui a aussi trouvé là un site proche de ceux où il niche.

Hirondelle de fenêtre - Delichon urbicum
Hirondelle de rivage - Riparia riparia
Hirondelle rustique - Hirundo rustica
Martinet noir - Apus apus
Gobemouche gris - Muscicapa striata
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En hiver :

Mais il n’y a pas qu’en été qu’on peut espérer de belles observations sur l’Amblève : l’hiver est la saison du harle bièvre, un canard plongeur et piscivore qui nous vient du nord de l’Europe et qu’on peut observer dans de bonnes conditions de proximité.

Son histoire dans notre région est particulière : jusqu’au début des années 1990, ses lieux d’hivernage réguliers se limitaient à quelques ensembles de plans d’eau (Oost-Maarland, Virelles, Harchies et les barrages de l’Eau d’Heure). Début 1996 une sévère vague de froid a provoqué le gel des plans d’eau et parties calmes des cours d’eau, et les harles sont arrivés sur l’Ourthe où les secteurs rapides étaient libres de glace.

Début 1997 une autre vague de froid nous les ramène, y compris sur l’Amblève, avec des nombres qu’on n’a plus connus depuis lors : 170 exemplaires dénombrés entre Aywaille et le confluent avec l’Ourthe le 1er février !

Depuis lors l’hivernage du harle bièvre sur l’Ourthe et l’Amblève est devenu annuel, mais en nombres bien plus restreints, et on peut l’observer à Remouchamps en général de décembre à mars.

Un couple des harles bièvre - Mergus merganser

Comme chez beaucoup d’Anatidés, le dimorphisme sexuel est très prononcé chez le harle bièvre.

Jusqu’il y a quelques années, les exemplaires gris à tête brune étaient considérés comme femelles ou juvéniles. En fait le plumage juvénile proprement dit est rarement observé ailleurs que sur les zones de nidification, mais les plumages intermédiaires entre le juvénile et l’adulte, d’apparence essentiellement femelle, sont bien plus fréquents qu’on le pense et surtout discernables pour les jeunes mâles. Quelques critères permettent de les reconnaître :

  • taches noires au menton, à la jonction entre le blanc et le brun du cou et plus tard sur les scapulaires (plumes du dos),
  • taches foncées sur le dessus et les côtés de la tête,
  • plumes de l’arrière de la tête (« crête ») nettement plus courtes que celles de la femelle,
  • iris clair (brun foncé chez la femelle),
  • bec et pattes plus ternes que ceux des adultes.

À l’exception des deux premiers, ces critères permettent aussi de distinguer les femelles immatures des adultes.

harle bièvre mâle immature - Mergus merganser

Le harle bièvre se reproduit dans la partie septentrionale de l’Europe, à partir de l’Écosse et de l’Allemagne du Nord. Il y a aussi une population excentrée sur les lacs alpins de Suisse et de France, à partir desquels se produit actuellement une expansion vers la Franche-Comté (bassin du Doubs).

Curieusement ce gros oiseau niche dans des trous d’arbres, parfois assez haut. Quelques jours après la naissance, les jeunes quittent le nid sans savoir voler, en se jetant dans le vide apparemment sans mal, puis ils suivent leur mère pour rejoindre l’eau dont le nid est parfois assez éloigné.

Dans certaines régions on dispose aussi des nichoirs à leur intention et, récemment, des nidifications en falaise ont été observées à proximité de la ville de Dôle, sur le Doubs. Notre région étant bien pourvue en parois rocheuses, il n’est pas exagéré d’espérer qu’à moyen terme un couple s’y installe.

Bien d’autres oiseaux peuvent encore être observés en hiver au pied de la réserve, entre autres le grèbe castagneux, le héron cendré qui niche d’ailleurs à proximité, la bernache du Canada, le canard colvert, la gallinule poule d’eau et les passereaux sédentaires.

Le cincle plongeur reste sur place toute l’année et le martin-pêcheur ne s’en éloigne qu’en janvier et février.

(1) Baudrenghien, Y., Schmitz, L., Van der Elst, D. – Première observation d’une Hirondelle de rochers (Ptynoprogne rupestris) en Belgique – Aves 26 3-4, 1989

Cet article est une version mise à jour de l’article paru dans Parcs & Réserves – Volume 64 – Fascicule 1 – 2009.

Crédit photo : René Dumoulin

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