Bilan positif de l’agrandissement du réseau d’espaces naturels

Plus d’espace pour la nature

L’hiver est là : la nature est au ralenti, les chauves-souris hibernent tranquillement dans une grotte, un tunnel à l’abandon ou encore dans le creux d’un vieil arbre, les arbres ont perdu leurs feuilles et s’acclimatent aux froides températures qui arrivent. Comme la nature qui nous entoure, prenons le temps de se reposer, de vivre également au ralenti…

Dynamique d’acquisitions de nouveaux espaces naturels par Ardenne & Gaume.

Prenons le temps de faire le bilan de cette dernière année. Comme vous avez pu le lire dans l’article « 156 hectares de nouvelles réserves naturelles agréées », en 2023, nous avons œuvré pour garantir la protection de nombreux sites. Mais notre engagement ne s’arrête pas là ! Nous poursuivons inlassablement notre quête de nouveaux espaces naturels qui pourraient, à terme, devenir des réserves naturelles. De mai 2022 à décembre 2023, 93 hectares se sont ainsi ajoutés à notre compteur.

En attendant le printemps et l’été prochain pour arpenter ces tout nouveaux espaces naturels, je me propose de vous guider à travers ces nouvelles étendues. Fermez les yeux et imaginez-vous dans ces espaces féériques, regorgeant d’odeurs et de sons annonçant la fin de l’hiver, le début du printemps. Chaque recoin de ces nouveaux espaces protégés est la promesse d’une rencontre inattendue avec les hôtes discrets de ces lieux, telle ou telle espèce passe sous votre nez, vous amenant à découvrir ces nouveaux endroits débordants de surprises.

Répartition de nouveaux espaces naturels d'Ardenne & Gaume en Wallonie.
Ajouts effectués entre mai 2022 et décembre 2023 des espaces naturels gérés par Ardenne & Gaume, contribuant à l'expansion des surfaces dédiées à la préservation de la nature.

Premièrement, des réserves existantes s’agrandissent

La première réserve naturelle de l’association fut créée à Torgny en 1943 ! Nous y voilà, 81 ans plus tard, à toujours pouvoir protéger un peu plus de ce patrimoine remarquable ! Située sur la crête du village le plus méridional de Wallonie, la réserve naturelle de Raymond Mayné, est composé de ces mythiques pelouses sèches issues du défrichement de la hêtraie calcicole, destinées à la pâture par des troupeaux de montons. Cette année, l’association a pu acquérir des parcelles à l’ouest de la réserve naturelle, situées en lisière du Bois Géline. La végétation qui y domine est une magnifique hêtraie calcicole abritant sous ses frondaisons des plantes indicatrices telles que l’hellébore fétide (Helleborus foetidus), la céphalanthère blanche (Cephalanthera damasonium), l’asperge des bois (Ornithogalum pyrenaicum) ou encore la mercuriale vivace (Mercurialis perennis). Au niveau faunistique, le bois est fréquenté par le loir gris (Glis glis) et des chauves-souris, dont le rare petit rhinolophe (Rhinolophus hipposideros), ainsi que par tout un cortège de papillons forestiers. Au total, la réserve naturelle s’étend aujourd’hui sur quasi 8 ha.

Située dans la vallée de la Semois à Les Bulles (Chiny), la réserve naturelle agréée de Ribausa est majoritairement occupée par des prairies de fauche. Le site est une relique des temps passés et un témoin des anciennes pratiques agricoles. Les prairies de fauche ont en effet été très peu « améliorées », laissant ainsi libre cours au développement de nombreuses espèces végétales dicotylées et plus ou moins oligotrophiles comme la knautie des champs (Knautia arvensis), la grande marguerite (Leucanthemum vulgare) et comme le gaillet jaune (Galium verum). La réserve est bordée dans sa partie basse par un petit affluent de la Semois, qui détermine à cet endroit la présence d’une zone de bas-marais abritant entre autres le trèfle d’eau (Menyanthes trifoliata) et la laîche étoilée (Carex echinata). On y trouve également une lande humide à nard (Nardus stricta) riche en orchidées et laîches. La réserve s’agrandit en doublant pratiquement sa superficie par l’acquisition de parcelles jointives, faisant partie d’un vaste ensemble situé en zone agricole, mais globalement boisé, en zone humide, avec un beau potentiel de restauration pour une mosaïque de prairies humides et de bas-marais.

Les lieux de la réserve naturelle des Petites Têtes, située sur la commune de Saint-Léger (Luxembourg) étaient autrefois occupés par d’anciennes cultures vivrières, qui, une fois abandonnées, ont cédé leur place à de magnifiques landes sur sable qui furent à leur tour boisées par la suite à des fins de rentabilité économique. L’ancienne pessière située sur la rive gauche d’un ruisseau se jetant dans le Ton, affluent de la Chiers, a aujourd’hui disparu au profit d’une biodiversité rare. La réserve est composée d’une jeune lande sèche à callune (Calluna vulgaris) et à genêt poilu (Genista pilosa), à la suite de travaux de restauration en 2017. Très vite, on remarque que la végétation qui se développe se compose majoritairement de plantes pionnières typiques des pelouses sur sable. En 2022, de nouvelles parcelles sont venues compléter la réserve naturelle des Petites Têtes : elles sont composées de forêts mixtes : une hêtraie plantée de pins sylvestres sur sol sableux offre une belle lisière et complète agréablement d’autres acquisitions en cours de négociation. C’est l’habitat de prédilection, notamment, du pic noir (Dryocopus martius) et du pigeon colombin (Columba oenas), le site a un potentiel certain pour l’engoulevent d’Europe (Caprimulgus europaeus) et l’alouette lulu (Lullula arborea), en grand danger de disparition chez nous.

Réserve naturelle des Petites Têtes - photo : Julien Preud'homme
Réserve naturelle des Petites Têtes © Julien Preud'homme

La réserve naturelle du Pays d’Attert est composée de deux sites disposés de part et d’autre de la N4 traversant le village d’Attert : la partie occidentale de la réserve est située au lieu-dit du « Metzertbach » et la partie orientale de la réserve, dénommée depuis longtemps « Ancienne marnière d’Attert ». Le Metzertbach se trouve au nord du beau village de Metzert, le long du Metzertbach, affluent de l’Attert qui se jette dans la Sûre au Grand-Duché de Luxembourg. Le site est occupé par d’anciens prés de fauche et prairies pâturées abandonnées. On y distingue différents types de végétations en mosaïque, de la mégaphorbiaie à l’aulnaie alluviale. C’est également récemment que nous avons pu compléter le site en l’agrandissant de 50 ares par le nord !

Remontons vers Vielsalm pour redécouvrir la réserve naturelle de Colanhan qui se situe sur cette grande colline allongée d’est en ouest, au sud du village de Verleumont sur la commune de Lierneux. Le synclinal perché de Colanhan dont l’intérêt n’est plus à démontrer présente des intérêts biologiques, géologiques, historiques et paysagers remarquables ! En début d’année 2022, l’association comptait près de 36 hectares en gestion sur le site. Aujourd’hui, nous sommes fiers de pouvoir annoncer l’agrandissement de la réserve naturelle de Colanhan avec au total une superficie de plus de 52 hectares ! Notre défi de protéger cette exceptionnelle colline en reliant les nombreux blocs entre eux est en bonne voie d’être remporté ! Le paysage de Colanhan est un quelque peu surprenant aujourd’hui : au loin vers le nord, depuis le pied du village d’Hérbronval, la montagne parait dénudée par endroits. La réserve naturelle présente un en effet un paysage déstructuré dû aux nombreuses mises à blanc de pessières opaques et en bout de course qui se succèdent depuis une dizaine d’année. Sur ces coupes récentes, l’association vise principalement le retour d’une forêt feuillue indigène : la boulaie sur sol sec laissera un jour sa place à une chênaie acidophile à myrtilles comme ailleurs sur la montagne. Diverses espèces tireront profit de la vocation de naturalité comme la bécasse des bois (Scolopax rusticola), le grimpereau des bois (Certhia familiaris) et les pics : un pic épeichette (Dryobates minor) territorial entendu il y a quelques mois en plein cœur de ces nouvelles parcelles. Le pied de la colline est arrosé par la Lienne naissante, à cet endroit déjà dotée d’une grande richesse biologique.

Réserve naturelle de Colanhan – nouvelles acquisitions des parcelles.
Réserve naturelle de Colanhan – nouvelles acquisitions des parcelles.

 

Nous avons pu acquérir des parcelles au nord-ouest de la réserve naturelle agréée, le long de et en aval de la Lienne. Celles-ci nous permettent de mettre un pied un peu plus loin le long de la Lienne et d’étendre la zone de quiétude pour une série d’espèces, notamment la cigogne noire (Ciconia nigra) à cet endroit. Le site est propice à l’hivernage de la bécassine des marais (Gallinago gallinago) et de la grande aigrette (Ardea alba) notamment. Le martin-pêcheur d’Europe et le cincle plongeur ont été contactés ces derniers temps. Le foncier presque complet permettra d’assurer une cohérence dans la protection de forêts à vocation intégrale en favorisant les espèces de pics, le hibou grand-duc (Bubo bubo), le grand corbeau (Corvus corax) et la bécasse des bois, mais aussi d’envisager plus sereinement l’extension de zones à pâturer. Enfin, elle s’inscrit dans la continuité écologique de la réserve naturelle domaniale voisine des sources de la Lienne et prend le relais de la protection de la rivière sur un beau tronçon.

Réserve naturelle de Colanhan © Johanna Martens
Réserve naturelle de Colanhan © Johanna Martens

Deuxièmement, de nouveaux espaces naturels se créent

Après avoir parcouru tous ces kilomètres pour explorer ces réserves emblématiques de l’association, je vous invite à découvrir de nouveaux espaces naturels aux quatre coins de la Wallonie, encore largement méconnus des naturalistes ! Ces sites révèlent un énorme potentiel pour l’avenir, et nous poursuivons notre engagement en faveur de la sauvegarde et de la protection de ce patrimoine naturel, historique et paysager.

La possibilité d’acquérir de telles surfaces, dans le contexte politique actuel, nous inspire de l’espoir. Parfois, nous commençons par l’acquisition de quelques ares, sachant que cette superficie n’est pas suffisante pour assurer une protection réellement efficace. Cependant, comme le montre l’exemple de la réserve de Colanhan, après plusieurs années, nous pouvons considérablement agrandir ces espaces et renforcer les corridors de liaison entre toutes ces aires protégées.

Certains de ces récents ajouts ont été abordés dans l’article du mois d’août. Les acquisitions les plus récentes, dont nous n’avons pas encore parlé, sont détaillées ci-dessous.

Ruisseau du Bois de la Vanne © Julien Preud'homme

Commençons par la nouvelle réserve naturelle du Vallon de Nestri : elle se situe sur la commune de Viroinval, au sud du village d’Olloy-sur-Viroin. Cette nouvelle réserve est composée d’une ancienne prairie abandonnée ayant été plantée de peupliers, ainsi qu’une aulnaie alluviale le long de la berge de ruisseau ardennais nommé le Nestri. Les peupliers présents sur l’ancienne prairie sont pour la plupart morts et accueillent des loges pour les oiseaux cavicoles, rendant cette zone boisée favorable à l’avifaune environnante.

Dans le sud, non loin de la réserve naturelle de la Basse Semois, se trouve une nouvelle perle rare : la réserve naturelle du Ruisseau du Bois de la Vanne. Elle se situe entre les villages de Oizy et de Baillamont, sur la commune de Bièvre. Le site est situé en fond de vallée. La zone est constituée d’un barrage de castor abandonné et d’un superbe complexe de mégaphorbiaies, de cariçaies et de prairies humides où l’on retrouve notamment la bistorte (Persicaria bistorta), hôte en ces lieux de deux papillons menacés : le cuivré de la bistorte (Lycaena helle) et le nacré de la bistorte (Boloria eunomia). On y observe l’hivernage de la grande aigrette ainsi que de la bécassine des marais. La cigogne noire y a également été détectée en compagnie du cincle plongeur. L’entomofaune n’est pas en reste, avec la coccinelle à hiéroglyphes (Coccinella hieroglyphica), le conocéphale des roseaux (Conocephalus dorsalis), la sauterelle cymbalière (Tettigonia cantans), le tétrix des vasières (Tetrix ceperoi),… Ce dernier occupe les abords du barrage abandonné, colonisé par diverses bryophytes ainsi que la rare élatine à six étamines (Elatine hexandra). Dans les prairies bordant le fond de vallée, la réserve accueille aussi l’andrène de la knautie (Andrena hattorfiana), elle-même l’hôte de son parasite bien plus rare la nomade armée (Nomada armata).

Tournons maintenant en direction de Neufchâteau puis de Bastogne : nous croisons les nouveaux sites du Ruisseau de Léglise, de Soriffet et du Moulin de Honville ! Les sites du Ruisseau de Léglise (située sur la commune de Léglise), de Soriffet (à cheval sur les communes de Vaux-sur-Sure et de Léglise) et du Moulin de Honville (située à la frontière belgo-allemande sur la commune de Fauvillers) ont été acquises par l’association en fin d’année 2022.

Des travaux de restauration d’habitats de fonds de vallée, propices aux espèces comme la cigogne noire (Ciconia nigra), le milan royal (Milvus milvus), le milan noir (Milvus migrans) et de nombreux chiroptères comme la noctule de Leisler (Nyctalus leisleri) ou encore le murin de Brandt (Myotis brandtii), ont été réalisés avec le DNF local.

Le site du Ruisseau de Léglise est constituée de grande prairie pâturée, le tout enclavé dans un massif forestier. L’aspect humide du terrain, la présence de mares ainsi que la quiétude du site constituent autant d’éléments favorables à la fréquentation de cet espace naturel par la cigogne noire.

En septembre dernier, la ministre Tellier a visité le site du Ruisseau de Léglise. Découvrez les détails dans notre article de blog dédié.

Le site de Soriffet est quant à lui constitué de prairies de fauche, favorable au milan royal : la fauche occasionne une certaine mortalité parmi les petits mammifères. Volontiers charognard, le milan profite ainsi de cette gestion pour trouver de la nourriture. L’espace naturel dfe Soriffet est situé au milieu d’un ensemble de parcelles à gestion plus intensive comprenant des prairies fauchées plus tôt dans la saison. L’inclusion d’une prairie en fauche tardive dans le paysage permet dès lors d’augmenter en fréquence la disponibilité des charognes de petits mammifères. L’aspect humide du terrain, la présence de mares ainsi que la quiétude du site constituent autant d’éléments favorables à la fréquentation de la réserve par la cigogne noire également.

Le Moulin de Honville est constituée de grandes prairies humides pâturées longées par les ruisseaux de Bevâru et de Sirbach.

Réserve naturelle du Moulin de Honville - photo : Augustin Rommelaere
Réserve naturelle du Moulin de Honville © Augustin Rommelaere

Notre dernière étape de ce tour de Wallonie nous amène sur les hauteurs de Vielsalm. Pas loin de là, se trouve une de nos dernières acquisitions mais non des moindres : la sublime réserve naturelle des Quatre-Vents ! Ce petit joyau a été érigé en réserve naturelle privée à la suite d’une initiative personnelle de Joseph Clesse, menée dès 1987.  C’est la section « La Trientale » des Cercles des Naturalistes de Belgique qui en a assuré la gestion pendant de nombreuses années. Les caractéristiques géologiques de la région, associées à l’affleurement de la nappe phréatique, favorisent le développement d’une lande tourbeuse. On y rencontre plusieurs groupements végétaux de grand intérêt comme le bas marais acide à laîche à bec (Carex rostrata) et laîche noire (Carex nigra) ; la lande tourbeuse à bruyère quaternée (Erica tetralix), la linaigrette vaginée (Eriophorum vaginatum), la linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum angustifolium), la narthécie (Narthecium ossifragum) ; la lande sèche à myrtille commune (Vaccinium myrtillus), callune (Calluna vulgaris) et genévrier commun (Juniperus communis). Sur le plan faunistique, la clairière humide des Quatre-Vents est particulièrement attractive pour diverses espèces d’oiseaux peu communs comme la bécasse des bois, le pic noir, la tourterelle de bois (Streptopelia turtur), le pipit des arbres (Anthus trivialis), le bec-croisé des sapins (Loxia curvirostra), ou encore le cassenoix moucheté (Nucifraga caryocatactes). Joseph et son épouse Josiane ont souhaité nous confier les clés de ce petit paradis et nous souhaitons ici les remercier encore pour la confiance qu’ils nous accordent !

Réserve naturelle des Quatre-Vents - photo : Julien Preud'homme
Réserve naturelle des Quatre-Vents © Julien Preud'homme

Contribuez à approfondir notre compréhension de ces espaces !

Nous étudions attentivement ces espaces pour assurer leur protection à long terme. Si vous vous trouvez dans la région, n’hésitez pas à contribuer en recensant les observations faites sur ces sites (https://www.inaturalist.org/ ou https://observations.be/). Soyez respectueux de la nature et restez sur les sentiers lors de votre visite.

Ces sites ne sont pas encore pleinement explorés du point de vue biologique, et certains demeurent encore orphelins. Ardenne & Gaume recherche des conservateurs et/ou bénévoles passionnés par ces nouveaux espaces naturels ! N’hésitez surtout pas à exprimer votre intérêt.

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