Les sites calaminaires sont ainsi nommés en raison de la présence, dans leur sol, d’un minerai riche en zinc : la calamine. Ces terrains métallifères contiennent de fortes concentrations de métaux lourds. Ces sols sont toxiques pour diverses espèces végétales, dont les ligneux, et ne peuvent être colonisés que par une végétation herbacée très particulière, la « flore du zinc ». En Belgique, ces substrats calaminaires se trouvent entre Liège et Aix-la-Chapelle sur d’anciens sites miniers et métallurgiques, ainsi que sur quelques affleurements naturels.
Origine géologique et industrielle de la présence de métaux lourds dans le sol des terrains calaminaires
La présence de métaux lourds dans ces zones découle de l’histoire géologique locale : il y a 250 millions d’années, des événements tectoniques ont entraîné la formation de gisements de sulfures de fer, de plomb et de zinc. Ces sulfures métalliques, présents en profondeur dans des failles, subissent des transformations au contact de la roche encaissante et de l’oxygène près de la surface du sol, formant, entre autres, la calamine, mélange de carbonates et de silicates de zinc.
Pendant des années, les sites calaminaires en Belgique ont été exploités pour la métallurgie du fer, du plomb et du zinc. Celle du zinc était à son apogée vers la fin du XIXe siècle. Durant cette période, de nouveaux sites ont été contaminés par les métaux lourds, notamment là où les déblais miniers étaient amassés, les minerais lavés et les produits finis élaborés. Aujourd’hui, les activités d’extraction ont cessé depuis des décennies et ces sites miniers et industriels ont été colonisés par une végétation spécifique.
Paysage ouvert et vallonné des anciens sites miniers
Les arbres ne poussent pas sur les sols chargés en métaux lourds. Les sites calaminaires sont donc spontanément des milieux ouverts. Certaines herbacées tolèrent la toxicité du sol et parviennent à y pousser, formant des pelouses et des prairies avec des buttes et des dénivelés, résultant des activités minières et métallurgiques passées.
Pelouses et prairies calaminaires : flore des métaux lourds
Les nouveaux sites métallifères ont été colonisés par la végétation présente sur les affleurements métallifères naturels. Ce sont le plus souvent des espèces ayant développé des mécanismes d’accumulation des métaux lourds dans certains tissus végétaux. Bien qu’elles puissent pousser sur d’autres substrats, elles ne supportent pas la concurrence de la végétation habituelle de ces milieux. On les appelle les espèces métallophytes.
Espèces métallophytes
Ce sont des espèces strictement inféodées au milieu calaminaire. Il s’agit de plantes, dont les sous-espèces ou les variétés sont spécifiques du substrat métallicole :
- la pensée calaminaire (Viola lutea subsp. calaminaria)
- le tabouret calaminaire (Thlaspi caerulescens subsp. calaminare)
- le silène calaminaire (Silene vulgaris subsp. vulgaris var. humilis)
- le gazon d’Olympe calaminaire (Armeria maritima subsp. halleri)
- la fétuque de Westphalie (Festuca ovina subsp. guestfalica)
- l’alsine calaminaire (Minuartia verna var. hercynica)
Espèces pseudométallophytes
À côté des espèces métallophytes strictes, d’autres plantes courageuses colonisent ce milieu hostile. Ce sont des pseudométallophytes. Elles prospèrent habituellement sur des sols non calaminaires, mais peuvent aussi se développer sur des substrats métallifères, car elles tolèrent les métaux lourds. Ce sont par exemple :
- le fromental (Arrhenatherum elatius)
- la campanule à feuilles rondes (Campanula rotundifolia)
- le genêt des teinturiers (Genista tinctoria)
- la callune (Calluna vulgaris)
- le thym serpolet (Thymus pulegioides)
Faune des sites calaminaires
Contrairement à la flore, la faune présente sur le site n’est pas véritablement liée aux concentrations métalliques. Certaines espèces sont davantage liées aux caractéristiques physiques des milieux (température, aridité). Ainsi, il n’est pas rare d’observer des espèces d’orthoptères propres aux pelouses à végétation rase et éparse, ou des populations de carabes et de cicindèles, hôtes habituels des pelouses sèches. Le microclimat chaud et sec attire des espèces thermophiles comme le sténobothre nain (Stenobothrus stigmaticus) et le criquet à ailes bleues (Oedipoda caerulescens). Le sol meuble des tas de débris est massivement colonisé par les abeilles sauvages.
Quelques espèces de papillons profitent de la végétation. Le petit nacré (Issoria lathonia) et le petit collier argenté (Clossiana selene) dépendent des pensées, dont les tapis denses et pérennes offrent de nombreux sites de pontes et constituent la plante nourricière des chenilles. L’azuré de l’ajonc (Plebejus argus) bénéficie d’une population abondante de lotier corniculé (Lotus corniculatus), présente sur les sites calaminaires et les pelouses calcicoles en général.
Quels sites calaminaires en Belgique ?
L’archipel calaminaire en Belgique se situe entre Liège et Aix-la-Chapelle, avec une surface estimée à 220 ha. Ardenne & Gaume, pionnière dans la protection de ces espaces, gère et protège aujourd’hui plusieurs de ces sites calaminaires.
- La réserve naturelle de Plombières : l’ancien site minier de Plombières constitue le plus grand ensemble calaminaire de Belgique (11 ha 23 a 12 ca). Situé dans la vallée de la Gueule, il offre des promenades dépaysantes le long du cours d’eau, entre massifs boisés, friches et pelouses. À proximité de la réserve, se trouve la Maison du Site Minier. Le rez-de-chaussée a été aménagé en centre d’interprétation, permettant de retracer l’histoire du site. C’est là que se croisent plusieurs lignes RAVeL, et c’est aussi le point de départ de plusieurs randonnées.
Ensuite, nous avons des sites moins impressionnants en termes de taille, mais tout aussi intéressants :
- Les prairies de Moelenberg (Plombières)
- Le Rocheux à Theux
- La pelouse calaminaire de Koul (Kelmis, La Calamine)
- Vieille Montagne (Kelmis, La Calamine)
- Schmalgraf Hof Semmel (La Calamine/Lontzen)
Pour aller plus loin
Ne manquez pas le numéro spécial de notre revue « Parcs & Réserves » entièrement consacré aux pelouses calaminaires, ainsi que d’autres publications consultables en ligne :
Les pelouses calaminaires – numéro entier « Parcs & Réserves » vol. 66 fas. 3 (2011)
Plusieurs articles sur les sites calaminaires, dans « Parcs & Réserves » vol. 71 fas. 2 (2016)
Halde du Casino dans « Parcs & Réserves » vol. 63 fas. 2 (2008)
Réserve naturelle du Rocheux dans « Carnets des Espaces Naturels » n° 7 (2020)
Réserve naturelle de Plombières dans « Carnets des Espaces Naturels » n° 6 (2020)
Crédit photo de couverture : Haldes calaminaires de Plombières © Christophe Danaux